AIRDOLL

Elle est belle, toujours souriante et disponible. Tous les matins, Janichi peut la quitter, tranquille, pour rejoindre son travail, il la retrouvera le soir comme il l’a laissée, dans la même nudité offerte, il lui racontera sa journée, ils mangeront ensemble le repas qu’il aura préparé puis il lui fera l’amour. Elle ne lui a pas coûté cher, c’était un modèle périmé, la vie aurait pu continuer ainsi dans le déni de la solitude, pour l’homme à la dérive et sa jolie poupée gonflable. Pour le bonheur du spectateur, ce film inspiré d’un manga est bien mieux qu’une variation de plus sur la détresse sexuelle dans une mégapole comme Tokyo. La lumière glauque fait rapidement place aux couleurs de l’étrange, une poésie empreinte d’humour et de tristesse s’empare de la narration. La poupée a été fabriquée avec un cœur, elle se découvre vivante, elle s’éveille au monde et observe avec étonnement et bonheur ces étranges créatures que sont les hommes. Le fantasme érotique à la fois bizarre et fort de l’homme pour une poupée crée des relations et des situations qui font une partie de l’originalité parfois dérangeante du film. Vient s’y ajouter le regard naïf de la poupée : nous l’avions peut-être oublié, la vie est un souffle qui se donne et se reçoit, elle ne prend un sens que dans la communication avec les autres. Elle comprend vite, la poupée qui semble avoir été créée par un étrange démiurge pour qu’elle vienne lui dire comment est le monde : elle lui dira que non, il n’est pas fait que de tristesse. Et il sourira, comme rassuré. Dans un quartier ancien à la poésie troublante, fait de maisons qui défient par leur vétusté l’architecture voisine des promoteurs immobiliers, des hommes et des femmes essaient de remplir la vacuité de leur existence. Ils ont une âme, un souffle que la poupée leur envie, ils vont souffrir, ils seront heureux et finiront par mourir. Cela s’appelle un destin, que le miracle du cinéma est capable de nous rappeler avec la légèreté d’une spore qui viendrait vous chatouiller le visage.