LE GAMIN AU VELO

De film en film, Jean-Pierre et Luc Dardenne ont créé un univers cohérent, peignant avec patience et humilité une réalité sociale et humaine parfois des plus dures, sans démagogie ni misérabilisme. Leur dernière œuvre apporte à cette construction des éléments qui l’éclairent sous un jour nouveau. L’histoire de Cyril n’a pas la même violence parfois désespérée de Rosetta. Bien sûr, la caméra suit fiévreusement la recherche opiniâtre et têtue du père absent. Cyril court, il pédale et pédale encore ; cadeau du père, son vélo fait partie de lui-même, instrument et symbole de cette quête. Le garçon n’a qu’une idée en tête,et il manque dangereusement de repères pour évaluer les dangers qui le guettent. Cyril est bien un cousin de Rosetta. Mais l’ambiance va se faire plus sereine, l’été apporte sa lumière et sa douceur. Une fois le père retrouvé-et perdu tout aussitôt-, l’histoire devient celle du lien, problématique et fragile, que Samantha (Cécile de France, simple et belle et belge) essaie de tisser avec le jeune révolté. Elle apparaît comme miraculeusement dans la vie de Cyril et pourrait bien être la bonne fée qui lui redonne le goût de la tendresse. Faut-il voir cet ensoleillement comme un affadissement ? Ne choisissons pas à la place des créateurs la palette des couleurs dans lesquelles nous aimerions qu’ils s’expriment. Que la banlieue liégeoise, terre d’expression des Frères Dardenne, soit ici moins âpre aux gens qui l’habitent, n’enlève rien à la justesse et au réalisme du regard posé sur elle. Ni au bonheur de la découverte, une fois de plus, d’un jeune acteur débutant (Thomas Doret) habité par son personnage de bout en bout du film.