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Rencontre avec nos stars préférées


Byron Howard & Rich Moore

Zootopia


"John Lasster nous a récemment confié que ce travail est plus une vocation qu’autre chose. Il faut l’aimer pour le faire."


Propos recueillis par Laurent De Groof © à Bruxelles (janvier 2016).

> Photos Byron Howard
> Photos Rich Moore






Cinemaniacs : Quels sont les bons et mauvais côtés quand on travaille à deux sur la réalisation d’un film ?

Byron Howard : Il n’y a pas de mauvais côté. Tout est assez bien, honnêtement. C’est un film très complexe dont l’univers est très vaste, j’ai donc eu beaucoup de chance de pouvoir compter sur l’aide de Rich et de notre coréalisateur Jared Bush qui a aussi travaillé sur le scénario. Ils m’ont aidé à développer le monde de Zootopia et de ses personnages. Rich m’a apporté toute sa sensibilité et son expérience après avoir collaboré sur les Simpsons et Wreck-It Ralph qui est un grand film. Nous nous épaulons beaucoup au sein des studios Disney. J’aime sentir mes partenaires à mes côtés. C’est bien d’avoir un autre point de vue sur les multiples questions qui sont soulevées durant la production, cela permet de mieux garder la ligne de conduite du film.

Rich Moore : Oui, c’est assez enrichissant. Ce film était très ambitieux. Le scénario a beaucoup changé en cours de production. Il aurait été très difficile, voire impossible, pour un réalisateur de porter seul le poids de tous ces changements.

Cinemaniacs : Comment avez-vous vécu le changement des protagonistes ?

R. Moore : Nous avons beaucoup travaillé sur le scénario. Pendant longtemps, le renard était le personnage principal. C’était l’histoire d’un citoyen de Zootropolis. Mais il était trop cynique, ses intentions n’étaient pas claires, la ville lui paraissait oppressante. Ce n’était pas notre intention. Nous avons décidé de retirer cet aspect sombre et faire de Zootropolis une ville qui ressemble plus à New York ou Paris. Nous avons donc envisagé de voir l’histoire à travers les yeux de Judy qui était plus optimiste. C’est alors que nous avons dû annoncer à plusieurs équipes d’artistes qui avaient déjà travailler pendant des mois sur le film qu’il fallait tout recommencer. (rires) Les personnages, les emplacements, tout était à revoir pour s’adapter à la nouvelle histoire. C’est l’une des dures tâches du réalisateur. Cela arrive plus souvent qu’on le pense… Cela fait partie du processus.

Cinemaniacs : Comment vous répartissez-vous le travail ?

B. Howard : Nous essayons un maximum d’être ensemble aux réunions, comme sur Tangled. L’équipe du film se repose sur vos décisions pour avancer. Il faut leur donner des directives claires et précises.

R. Moore : Nous étions présents à tous les enregistrements, le visionnage des rushs, etc. Nous nous sommes séparés pour des plus petits détails comme le choix des éclairages. C’est beaucoup de travail.

Cinemaniacs : Depuis des années, le problème du réalisme de la fourrure est resté un problème constant. Vous semblez définitivement l’avoir maîtrisé avec Zootopia. Quel sera le sujet des prochaines années ?

R. Moore : (rires) C’est très vrai. Bonne question. Dans ce film, le plus difficile fut l’interaction entre la fourrure et les vêtements.

B. Howard : Le tissu est très difficile à simuler. Sur Bolt, il y a 8 ans, je me souviens que nous n’avions pas suffisamment de budget que pour habiller correctement tous nos personnages. Nous avons dû choisir ceux qui allaient porter des vêtements « réalistes » tandis que les autres seraient vêtus de vestes qui ressemblaient plus à du plastique. (rires) Dans Zootopia, tous les personnages portent des vêtements et de la fourrure.

R. Moore : Ce fut un cauchemar de faire souffler le vent sur le visage de Bolt lorsqu’il sort sa tête à la fenêtre de la voiture. On avait utilisé un programme qui était capable de faire des vagues.

B. Howard : Aujourd’hui, nous avons des logiciels qui simulent le souffle du vent et qui peuvent faire bouger les feuilles des arbres, les vêtements,…

R. Moore : Et pourtant, Bolt n’est pas un si vieux film… Chaque film est un nouveau défi ou cauchemar pour les techniciens. (rires) L’eau est aussi devenue magnifique à l’écran.

B. Howard : Et les cheveux de Raiponce ! Un an avant la sortie du film, les cheveux n’étaient toujours pas au point. Nous ne pouvions pas sortir le film tant que nous n’avions pas trouvé la solution. C’est dingue. C’est très stressant de se dire qu’on n’arrive pas à simuler une chose qui peut sembler aussi simple.

R. Moore : Nous avons énormément de respect et d’admiration pour les artistes mais on oublie parfois les informaticiens et les techniciens. Ils font un boulot incroyable. Nous n’aurions pas pu faire Zootopia sans eux.

Cinemaniacs : Un film représente quatre à cinq ans de travail. Combien de temps passez-vous exactement sur les recherches et le scénario ?

B. Howard : Enormément. (rires) John Lasseter a pour philosophie que les meilleures histoires sortent durant les recherches et la connaissance de son sujet. Nous devons donc devenir des experts dans les matières que nous traitons. Pour Wreck-It Ralph, nous avons joué aux jeux vidéo pendant des heures. (rires) Pour Zootopia, nous sommes devenus des experts en animaux. Nous avons passé dix mois d’analyse du comportement animal. Nous avons voyagé jusqu’au Kenya pour découvrir une centaine d’animaux. Nous avons pu découvrir comment nous pouvions faire cohabiter ces animaux, proies et prédateurs.

Cinemaniacs : Quel type d’animal êtes-vous ? Plutôt renard ou lapin ?

R. Moore : (rires) Je crois que cela dépend d’un jour à l’autre.

B. Howard : Avant de commencer dans l’animation, j’étais plutôt comme Judy. J’étais très déterminé. Je savais que je voulais travailler dans ce milieu. C’était mon rêve. J’étais persuadé que j’allais toquer à la porte de Disney, leur montrer mes dessins et que j’allais être engagé directement. Et pendant deux ans, ils m’ont dit non. (rires) J’étais Judy.

R. Moore : Ce qui fait alors de moi Nick. (rires) J’ai connu des moments identiques à la vie de Nick. Nick et Judy ont eu une enfance assez similaire. Des brutes les ont ennuyés. Judy décide de leur faire face alors que Nick s’encours. Nick utilise le cynisme pour se sortir de certaines situations difficiles. J’ai aussi eu recours à ce genre de stratagème. J’ai connu beaucoup de désillusions. Je peux me retrouver en lui. Je dirais donc que je suis plutôt renard.

Cinemaniacs : Que pensez-vous des sirènes ?

B. Howard : (rires) Durant mes années de galères, j’ai dû gagner ma vie. (rires) J’avais décidé que comme je ne pouvais pas devenir animateur, j’allais travailler près de mon rêve. J’ai donc accepté un boulot de guide sur l’attraction de la Petite Sirène. Un long couloir de fenêtres permettait de voir les dessinateurs travailler avant d’arriver à l’attraction. Je n’avais qu’un désir de rentrer dans cette cage de verre. (rires) Je portais un misérable costume en polyester et j’expliquais aux touristes l’histoire de Disney, de ses Oscars. J’annonçais dans mon micro la sortie d’Aladdin ! (rires). J’avais un discours parfait. C’était génial.

R. Moore : Le pauvre. (rires) Il devait regarder ces artistes en train de faire le métier qu’il voulait.

B. Howard : J’ai beaucoup insisté avant d’arriver où je suis. Mais cela m’a permis de comprendre pourquoi les gens aiment tant venir dans les parcs d’attraction Disney. J’ai tellement désiré travailler chez Disney. (rires) Le monde de l’animation venait d’exploser à cette époque avec la sortie de Lion King, Beauty and The Beast,… J’ai commencé sur Pocahontas, puis Mulan. Nous étions tous de jeunes artistes fraîchement sortis de l’école. C’était merveilleux. J’étais très heureux.

R. Moore : John Lasster nous a récemment confié que ce travail est plus une vocation qu’autre chose. Il faut l’aimer pour le faire et j’adore mon travail.