"Biutiful" raconte l'histoire d'Uxbal. Père dévoué. Amant tourmenté. Fils désemparé. Intermédiaire de l'ombre. Proche des disparus. Attiré par les fantômes. Sensible aux esprits. Survivant au coeur d'une Barcelone invisible. Sentant que la mort rôde, il tente de trouver la paix, de protéger ses enfants, de se sauver lui-même. L'histoire d'Uxbal est simple et complexe, à l'image de nos vies d'aujourd'hui.
« Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? » Le nouveau film d’Inarritu nous plonge dans le quotidien chaotique d’une Cour des Miracles des Temps Venus de la mondialisation. Une Barcelone méconnaissable pour les touristes américaines de Woody Allen….et les autres. Le choc est rude, la lutte pour la survie se traduit violemment dans toutes les langues et sous toutes les peaux, peu en importe la couleur. Une Babel hystérique, où chaque misère est bonne à exploiter. Hommes, femmes, enfants semblent prisonniers de cet enfer.
La volonté du réalisateur est de nous montrer ce qu’il croit être la condition humaine. Non sans une insistance un peu lourde, que de misères ramassées en si peu d’espace (un quartier périphérique de la ville) et de temps (même si le film dure plus de 2 heures) ! Mais la force des situations et l’agressivité de leur mise en scène ne laissent guère le loisir d’analyser, elles emportent sans laisser le temps de la réserve. Une bande-son agressive vient de surcroît étouffer la velléité critique, créant une tension à la limite du soutenable. Et puis, le spectateur découvre que ce monde n’est pas univoque, que la tendresse et l’amour cherchent à s’y faire un chemin, même si les repères traditionnels sont brouillés..
Le regard de la caméra est sans complaisance mais aussi sans jugement. Ainsi Uxbal (formidable Javier Bardem) exploite le travail et la précarité des clandestins, et cherche sa rédemption en tentant de les protéger. Ainsi Marambra , sa compagne maudite, cherche à aimer ses enfants mais sans cesser d’être une femme-enfant toujours sevrée de plaisirs faciles et immédiats. La vie de chacun des personnages est un combat sans merci, à l’évidence désespéré.
A moins qu’Igé, la femme africaine aimante , ne réussisse à quitter l’Enfer pour donner à son enfant un peu de lumière. Inarritu semble avoir voulu verser dans son film tous les malheurs du monde contemporain. Cette démesure est à la fois la force et la faiblesse de son film. Elle génère des scènes d’une noirceur sublime mais aussi, à d’autres moments, une sorte de magma qu’il est impossible de prendre tout à fait au sérieux. Reste que ce film, malgré ses outrances, offre une vision du monde, est une œuvre d’auteur, qu’il fait bien de nous troubler.