Pilar est espagnole et veuve. Elle a élevé ses trois filles en France. Amoureuse de Fernand, le gérant de son immeuble, elle organise chez elle un déjeuner de présentation. L’introduction du nouveau fiancé révèle la fragilité des relations familiales et suscite débordements et folies.
Romancière et auteur dramatique à succès, saluée aussi bien par la critique que par le public, Yasmina Reza écrit et réalise un premier film où se retrouvent dès les premières images les mêmes personnages se débattant dans leur solitude, les mêmes situations qui révèlent leurs blessures et leurs fragilités. On a beau se dire en territoire connu, cette petite musique du désenchantement, transposée en images, séduit par sa mélancolie, et donne à ces quatre femmes aux vies entrecroisées le charme de leur recherche. Les dialogues et les situations gardent une certaine théâtralité, le plaisir est aussi celui du texte, des échanges et des affrontements par les mots, sans que l’on puisse crier à l’imposture du théâtre filmé. Le texte s’intègre à l’image, lorsqu’il se tait, il est remplacé par une musique gitane pleine de nostalgie. Car que s’est-il passé pour qu’une mère et ses 3 filles aient tant de mal à vivre le simple bonheur d’être ensemble ? La perte du mari de Pilar, le père de Nuria, d’Aurélia et de Christal ? Le déracinement ? L’exil ? Les flashes backs qui nous reportent vers une Espagne de l’enfance perdue nous laissent dans l’incertitude et la réalisatrice se garde bien de nous infliger des explications psychologiques passe- partout. C’est la pièce bulgare (imaginaire) que répète Aurélia qui semble comme l’expression de leur difficile recherche, celle de « l’atténuation de la solitude sous n’importe quelle forme ». Le récit n’est pas linéaire, la fin du film le suspend sur des notes d’espoir, mais peut-être n’est-ce qu’un bon moment fugitif à passer ? Et que demain…. Le cinéma français ne souffre pas d’une pléthore de films qui font confiance à l’intelligence du spectateur, en voici un, à la mélancolie douce-amère qui en fait la singularité.