On dit de Lou qu’elle est une enfant précoce. Elle a treize ans, deux classes d’avance et
un petit corps qui prend son temps. Elle a une mère emmurée dans les tranquillisants, peu d’amis, et le ressenti aigu d’un monde qui va de travers. Lou doit faire un exposé sur une jeune femme sans abri. Elle en a vu une à la Gare d’Austerlitz. Une qui fait la manche, demande des clopes, s’endort sur la table du café lorsque Lou lui offre à boire pour l’interviewer. Elle a 18 ans, s’appelle No, Nora en fait mais tout le monde dit No, et bientôt Lou ne pourra plus se passer d’elle. Mais No est imprévisible, elle a grandi dans les foyers et elle ne ressemble à personne. Un jour, elle disparaît. Lou la recherche, sûre de ce besoin qu’elles ont l’une de l’autre. Lorsque No réapparaît à bout de forces, Lou sait ce qu’elle doit faire : No viendra vivre chez elle.
Le film s’inspire largement du roman éponyme de Delphine De Vigan(2007), avec une fidélité qui ne nuit pas à la liberté du scénario. La voix off de la jeune narratrice rappelle bien sûr que l’affranchissement n’est pas total mais on peut l’accueillir dans la narration comme un contrepoint à l’émotion générée par les images et les situations. Le spectateur s’attachera facilement aux personnages. Si les stéréotypes ne sont pas loin (la petite ado. solitaire et incomprise, les parents absents ou largués, la jeune SDF en mal d’amour et d’affection …), ils sont tenus en laisse par la sincérité du propos, la générosité de sa mise en scène. Si proches dans leur quête d’insouciance et de légèreté, No, Lou et Lucas forment un trio d’adolescents qui se cherchent et se repoussent, tout en se frottant durement au monde des adultes qui ne demande qu’à leur apprendre l’indifférence aux autres et à soi-même. Pas sûr qu’ils parviennent tout à fait à y entrer sans dommage. Au moins peut-on penser qu’ils se sont armés, au cours de ce bref épisode de leur vie, d’un peu de la volonté de le refuser dans ce qu’il a de pire. Il y a de la bonté, de la naïveté (de celle qui fait du bien) dans le film de Zabou Breitman. Et une heureuse complicité, sans complaisance, de la littérature et du cinéma.
