STOKER

Le cinéaste coréen Park Chan-Wook a construit sa réputation comme esthète de la violence, Old Boy obtenant le Prix du Jury au Festival de Cannes en 2003. Le néo-hollywoodien y va cette fois d’un hommage appuyé à Hitchcock, les admirateurs du maître y reconnaîtront sans peine la similitude de certains paysages angoissants, de certaines scènes sanglantes, la beauté diaphane de certains personnages féminins, de la blonde à la brune en passant par la rousse. Mais parfois, l’hommage paralyse la créativité, peut-être le Maître fait-il ici un peu trop d’ombre à son talentueux admirateur. L’atmosphère est plus glaciale qu’angoissante. La caméra, virtuose, scrute les moindres détails, essaye de faire régner parmi les personnages et dans la nature qui les environne une troublante perversité. Regards, frissonnements des feuillages, chevelures longuement et sensuellement démêlées, ralentis, réitération des mêmes rêves, des mêmes hallucinations. Le spectateur est près du plaisir de l’envoûtement, et pourtant il ne se laisse pas emporter au-delà d’un plaisir esthétique dont il finit par se demander où il le mène. L’angoisse hitchcockienne est enrobée d’un maniérisme aussi élégant qu’étouffant. La virtuosité se fait admirer de façon clinquante, le film tourne à l’exercice de style, brillant par moments, plutôt vain en fin de compte. Et si l’on excepte le personnage de la jeune et inquiétante India, remarquablement interprétée par Maria Wasikowska, les autres ne s’éloignent guère des stéréotypes des films du genre, de M. Goode qui ne quitte pas son sourire à la A.Perkins, à N.Kidman, comme un peu perdue dans un scénario où son personnage ne parvient pas vraiment à trouver sa place.( Pardon, Nicole, tu as été si souvent si bonne !) Alors, reconnaissons au cinéaste coréen savoir-faire et même talent, mais son dernier film sonne tout de même un peu creux.