LA VIE D'ADELE - CHAPITRE 1 & 2 (2013)

Maintenant que les querelles, largement amplifiées par les médias, s’essoufflent, espérons que le film d’Abdellatif Kechiche soit vu pour ce qu’il est. Il a toutes les vertus, parfois dérangeantes, d’un grand film dont on ne peut que sortir bouleversé. Dur, beau, violent, tendre, il revisite la passion amoureuse, son coup de foudre, ses emportements euphoriques puis ses déchirements qui laissent la vie comme une plaie à vif. Adèle et Emma se désirent, leurs corps se cherchent et se trouvent dans une jouissance sans entraves et sans limites. Emotion des corps, filmée au plus près, sans fard, et sans vulgarité. Kechiche, c’est une constante de son cinéma (l’Esquive), prend soin de rattacher ses personnages aux réalités sociales du moment, marque avec intelligence ce qui différencie les deux amantes au risque de les séparer un jour. Adèle rêve de devenir institutrice (très belles scènes avec des petits bouts comme Kechiche sait si bien les filmer), elle est simple, sa plus grande ambition est d’aimer Emma et d’être aimée d’elle. Emma appartient à un milieu plus cultivé, sans doute, mais d’un snobisme agaçant. Adèle rêve de spaghettis et de contes pour enfants, Emma d’huîtres et de galeries d’art ! Mais elles ont toutes les 2 une existence forte, que la caméra épie au plus près, révélant le moindre frémissement des visages, la tristesse ou la joie qui les transforment. C’est alors que l’on comprend que le réalisateur a obtenu des 2 actrices qu’elles repoussent encore et encore leurs limites. Exigence cruelle, sans doute, mais le cinéma-œuvre d’art est parfois à ce prix. Au bout de ce chemin si dur (3heures de haute intensité), le spectateur est certes un peu chaos, il a besoin de reprendre son souffle tout en rêvant à de possibles chapitres 3et 4.