Rien ne destinait cette cowgirl très charpentée, née dans le grand ouest américain, à devenir la gloire des cabarets parisiens de La Belle Epoque et encore moins à danser à l'Opéra de Paris, jusqu'à ce qu'elle invente la danse Serpentine. Cachée sous des mètres de tissus légers, les bras prolongés de longues baguettes en bois, au gré de ses mouvements et des lumières, Loïe devient une fleur, un papillon, un feu ardent, et émerveille chaque soir un peu plus. Cette jeune femme gauche et sans charme a trouvé sa place dans ce monde, elle sera La Danseuse. Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux. Mais sa rencontre avec Isadora Duncan, jeune prodige avide de gloire et de célébrité, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle...
Ce premier film de Stéphanie Di Giusto est un hommage vibrant à une danseuse oubliée, qui connut pourtant une gloire immense en ce début du 20ème siècle avant d’être complètement éclipsée par sa jeune rivale Isadora Duncan. Il permet aussi de saluer la performance extraordinaire de celle qui l’incarne avec passion, la chanteuse-actrice Soko. Loïe Fuller était plutôt dotée d’un physique qui ne la prédisposait pas à la danse académique, rien de gracieux ni de léger !
Un corps de femme élevée durement dans un environnement de cow-boys de l’Ouest américain, dont elle allait faire le moyen d’expression d’une danse expérimentale, en lui imposant des souffrances terribles. L’art au bout d’une terrible ascèse, voilà qui rappelle Black Swan et Les Chaussons rouges. Loïe Fuller recherche, invente des dispositifs scéniques complexes, donnant à la musique et surtout aux éclairages (l’électricité est une invention toute récente) une place qui va sidérer le public le plus huppé de l’époque, y compris celui de l’Opéra de Paris. Il est vrai que Paris est alors le lieu de la création la plus audacieuse.
Le film offre des moments de grâce, lorsqu’il reconstitue les mouvements inventés et réinventés, magnifiés par un travail exceptionnel sur la lumière. Il n’était pas rare que la jeune femme s’écroule de souffrance après ses spectacles, obligée à chaque fois d’aller un peu plus loin , de reculer les limites . Mais rien ne peut la faire reculer, Soko habite son personnage d’une volonté à la fois magnifique et effrayante. Le film est malheureusement moins convaincant quand il veut reconstituer une époque à travers la création de personnages qui manquent d’intérêt et semblent même un peu inutiles. Ainsi le snob très proustien et fin de siècle, Louis d’Orsay, interprété par Gaspard Ulliel. Esthète, homosexuel, noble désargenté, il donne trop l’impression de venir compléter un décor.
Le talent d’Ulliel n’est pas en cause, mais plutôt l’intérêt de son personnage plutôt stéréotypé. On aurait aimé une présence plus affirmée de Gabrielle, interprétée par Mélanie Thierry, dont on devine la fascination pour la danseuse et le rôle d’apaisement qu’elle a pu jouer auprès d’elle. Quant à Isadora Duncan, encore à l’aube de sa fabuleuse carrière, elle est interprétée par la toute mignonne Lily-Rose Depp qui n’impose pas une présence très magnétique. Alors, oui, un film à voir, pour les moments de beauté qu’il offre et pour la confirmation d’une sacrée interprète,Soko(linski).
Jean-Pierre Sculier
Première : « La Danseuse » de Stéphanie Di Giusto
Le 13 septembre, BOZAR CINEMA présente « La Danseuse », premier film de la réalisatrice française Stéphanie Di Giusto. Le film retrace le parcours de la danseuse américaine Loïe Fuller dans sa quête pour conquérir la scène française à la fin du XIXe siècle. La réalisatrice et Soko, qui incarne Loïe Fuller, seront présentes à BOZAR
Informations pratiques
Première - « La Danseuse » de Stéphanie Di Giusto (France, 108’, 2016)
En présence de la réalisatrice et de la chanteuse Soko
Mardi 13 septembre 2016 – 20:00 BOZAR/Palais des Beaux-Arts - Salle Henry Le Bœuf
Coproduction : BOZAR CINEMA / Lumière
Prix € 10 Sous-titres VO avec sous-titres français et néerlandais