Au lendemain de la première guerre mondiale, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un français est venu, lui aussi, fleurir la tombe de son ami allemand.
Ozon est un jeune réalisateur prolifique (8 Femmes, Potiche, Jeune et Jolie etc.) préoccupé de renouveler à chaque fois aussi bien les sujets que la manière de les traiter. Pari gagné par le choix du rétro et du désuet, du moins en apparence. Qui se souvenait de la pièce éponyme de Maurice Rostand (oui, le fils d’Edmond) écrite peu après 1918 et nourrie d’un pacifisme brûlant ? Lubitsch en avait fait une adaptation cinématographique(1932) qui ne connut guère de succès.
Mais Ozon transcende magistralement cette »vieillerie » et en fait une histoire émouvante, sans tomber dans le mélo. Et il surprend ! Pour le plaisir du spectateur. Le film est tourné en allemand, et de surcroît en noir et blanc, à certains moments on se croirait dans Heimat ! Bien sûr, on y retrouve la persistance d’un nationalisme exacerbé, d’une haine partagée entre vainqueurs et vaincus, les mœurs sont bien celles d’une époque qui se prépare déjà sans le savoir pour la prochaine.
On ne peut qu’être pris d’une sympathie bienveillante pour ceux et celles qui parviennent à surmonter leurs déchirements et à voir l’ennemi d’hier dans un esprit de résilence. Mais Ozon y mêle le sentiment de culpabilité ,celui qui ronge Adrien et le pousse à se rendre dans ce cimetière de la petite ville allemande, où il dépose des fleurs sur la tombe d’un soldat mort au combat( en réalité enterré anonymement en France, parmi tant d’autres, sur un champ de bataille).
La rencontre avec Anna, qui, elle, cultive le souvenir de son fiancé va permettre cette difficile résilience. Pierre Niney (qui a appris son texte dans un allemand phonétique) et Paula Beer sont merveilleux de douleur élégante. Ozon aime révéler les actrices, les mettre en valeur, on se perd avec émotion dans les regards noyés de la jeune actrice allemande, déterminée à sauver sa vie par l’art et la beauté, déterminée à sauver du désespoir la vieillesse des parents de son fiancé. Fût-ce au prix d’un mensonge qui transforme à leurs yeux la personnalité et le rôle du jeune Français.
Des mensonges, il y en aura eu d’autres auparavant, mis au jour finalement, mais qui auront égaré les spectateurs sur des fausses pistes. Souvenirs inventés (ce qui justifie la couleur de certaines séquences). La vie est un songe, parfois douloureux, cruel, qui nous emporte, parfois pour le pire, parfois pour le meilleur. Le cinéma de Ozon dit cela si bien !