Après douze ans d'absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers les éternelles querelles, et où l'on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
«Un déjeuner en famille, ce n’est pas la fin du monde ». Et pourtant si, dans ce terrifiant huis-clos, c’est au naufrage de toute une famille que nous assistons. Les faux semblants vont s’écrouler, de scène en scène, d’affrontement en affrontement, les blessures jamais refermées s’ouvrent, béantes, et tous en sortiront fracassés. Xavier Dolan ne renonce pas à son goût du paroxystique, il hystérise les situations pour faire ensuite place à l’émotion la plus pure où tout n’est plus que silences, regards douloureux, tendresse et maladresse. A coup sûr, les détracteurs du jeune prodige québécois ne manqueront pas de pousser leurs couplets d’indignation coutumiers (on les entend déjà).
Peu importe, il est heureusement encore permis d’être persuadé que le film atteint par moments une intensité dramatique que le cinéma d’aujourd’hui offre peu, et qu’il permet aux acteurs d’aller jusqu’au bout de leur talent. On RESSENT l’énorme complicité qui a uni le réalisateur et ses acteurs autour d’un scénario qui a demandé à chacun un engagement maximum : on ne joue pas, on est. Louis revient dans sa famille après 12 ans d’absence. Alors que mère(le père est décédé.), frère et sœur sont restés immobiles dans leur petite ville de province, lui s’est »évadé » pour réussir une carrière de dramaturge.
Seulement voilà, il est atteint du sida et il revient pour annoncer qu’il va mourir .Difficile de dire cette vérité quand plus personne n’écoute plus personne. Il choisira de repartir d’où il vient sans avoir rien dit. Entretemps, comme emportée dans une sorte de folie autodestructrice, la famille se désagrège pour devenir un champ de ruines. Louis, incarné par un magnifique Gaspard Ulliel, assiste, sidéré et presque mutique, à ces déchirements et c’est lui, le condamné, qui doit trouver pour les autres, une parole consolatrice. Pouvait-il se douter qu’il avait suscité tant de jalousie et de haine auprès d’un frère aîné qui voit sa réussite à travers le miroir grimaçant de ses propres ratages ?
Vincent Cassel, idéal pour cacher le mépris qu’il a de lui-même dans la violence, transformant sa femme en souffre-douleur. Xavier Dolan a toujours dit son amour pour les actrices et, dans ce film encore, elles le lui rendent bien. Marion Cotillard et Léa Seydoux expriment toute leur détresse avec une discrétion qui la rend plus intense encore. Quant à Nathalie Baye, affublée d’une perruque et d’accoutrements qui la rendent a priori plutôt ridicules, elle a tôt fait de faire comprendre que son excentricité et son mauvais goût cachent une détresse profonde, celle d’une épouse et d’une mère obligées de faire semblant de vivre sur son tas d’échecs. Un mélodrame certes, renforcé comme d’habitude chez Dolan par la musique, porté à sa plus haute intensité par un réalisateur qui est aussi un créateur. Magnifique.