Elizabeth Sloane est une lobbyiste impitoyable réputée pour ses relations, son talent hors pair et sa capacité à toujours avoir un coup d’avance sur ses adversaires. Elle est prête à tout pour gagner jusqu’au jour où elle se trouve confrontée au lobby des armes. Un ennemi puissant et sans scrupules qui dispose de budgets qui semblent presque intarissables.
Le film de John Madden est d’abord le portait presque effrayant d’une lobbyiste sans scrupules, prête à tout pour faire triompher le projet pour lequel elle est grassement rémunérée. Pas besoin d’y croire, seule la victoire compte et s’il faut changer de camp et de cap, pas d’état d’âme qui pourrait être un frein au succès. Et s’il faut manipuler, mentir, pas de problème, les amitiés sont éphémères, elles sont faites pour être brisées quand le moment est arrivé ! Le rôle est tenu magistralement par Jessica Chastain, pratiquement de tous les plans, d’une beauté glaçante (on se souvient de son rôle dans Zero Dark Thirty).
Pas de vie privée, des amours tarifées sans lendemain, des médicaments pour booster l’agressivité. Tout pour la réussite !! Le réalisateur pousse-t-il le rôle du (de la) lobbyiste jusqu’à la caricature ? Peut-être mais la caricature est une arme, qu’il est utile de retourner contre ce lobby hyperpuissant que la mort de collégiens au sein même de leur école ne perturbe pas. Au contraire, n’est-ce pas le moment d’armer les profs et de les transformer en shérifs de western ? Le cinéma américain est capable d’aborder de manière efficace les facettes les plus sombres de ce pays plein de contrastes et de contradictions, à la fois puritain et violent, où Dieu et Buffalo Bill font bon ménage, où le racisme semble prospérer sans complexe, mais où la liberté d’expression, en particulier au cinéma, peut faire office de contre-pouvoir. La preuve par Miss Sloane.
Le film n’est pas exempt de défauts, les derniers rebondissements laissent sceptiques (le film est truffé de coups de théâtre mais les derniers au tribunal sacrifient à la tradition des grands discours moralisateurs auxquels les films de ce genre nous ont habitués, c’est dommage).On a parfois l’impression que J. Chastain surjoue, au point que tous les autres acteurs du drame ne sont que des comparses dans des rôles pas toujours crédibles. Elle est un torrent de cynisme et de beauté, on a le droit, en tant que spectateur, de se laisser séduire d’abord et de réfléchir en même temps .