Isabelle, une artiste cinquantenaire séparée du père de sa fille, souffre terriblement du surcroît de solitude que lui cause chaque nouvel échec dans une longue série d’aventures médiocres. Car ces mouvements de l’âme qui chavirent Isabelle à chaque fois – lui tirant constamment des larmes, et des excuses et remerciements sans fin–se portent vraiment sur des objets incompréhensibles, à savoir une sacrée ribambelle de pauvres types, disons-le : le banquier marié méprisant, le comédien torturé, le voisin insistant qui invite continuellement à la campagne en tout bien tout honneur, le faux ami qui sape la seule relation un peu jolie qu’elle ait...
Claire Denis s’est alliée à l’écrivaine Christine Angot pour adapter de façon très lointaine »Fragments d’un discours amoureux « de Roland Barthes. Le film est fragmenté selon les intermittences du cœur d’Isabelle, artiste quinquagénaire à la recherche désespérée et désespérante d’une relation amoureuse stable et vraie.
Juliette Binoche est de tous les plans, oscillant sans cesse entre les larmes, la résignation et la révolte. Pas de veine, elle ne croise sur sa route sentimentale que des hommes cyniques ou indifférents, autant de portraits de tristes individus qui forment une sorte de défilé de la veulerie masculine. La réalisatrice et l’écrivaine ont frappé fort ! Galeriste, banquier, comédien, tous semblent emprisonnés dans une bulle de snobisme culturel qui les déconnecte de la moindre empathie.
La caricature est lourde, elle culmine dans une scène où tout ce petit monde se promène dans la campagne en rivalisant de clichés, de phrases toutes faites, comme s’ils camouflaient leur insignifiance par ce catalogue d’idées reçues. C’est sans doute ce qui limite l’intérêt du film qui se présente comme un long ricanement qui finit par lasser. Bien sûr, il y a la présence lumineuse de Juliette Binoche, même si on aimerait la booster pour qu’elle déserte ce milieu délétère. A elle seule, elle permet au spectateur de ne pas sombrer dans l’ennui, voire l’agacement car, après tout, ce snobisme parisien, on s’en fout un peu ! La dernière scène est étonnante : Isabelle, désespérée, consulte un radiesthésiste, mi- gourou, mi- psychologue new âge, qui lui conseille « le lâcher prise », de trouver en elle « un beau soleil intérieur ».
Gérard Depardieu (c’est sa seule scène) y va lui aussi de phrases sorties des élucubrations thérapeutiques à la mode. Etrange : ce bavardage défile en même temps que le générique final. Au moment où d’habitude, le spectateur, distrait, vérifie s’il n’a rien oublié en- dessous de son siège !! Comme si tout cela n’était que du vent et une arnaque de plus dans la vie sentimentale d’Isabelle. Pas de happy end, Isabelle restera vulnérable, toujours en recherche, toujours déçue et meurtrie. De la part des auteurs, un parti-pris de noir de noir, quelques moments de drôlerie méchante. Heureusement, il y a Juliette, qui est à elle seule un soleil intérieur.